Une soirée comme les autres?

Il devait être près de 19 heures, peut être 20 heures. A cette heure là, il n'y avait pas foule dans les rues. Par contre, pour ce qui était des restaurants, c'était une autre histoire. C'est vrai, c'était l'heure de pointe direction boustifaille. Mais bon, quand on parle de Borsch Club, on ne parle pas de boustifaille, mais de délice. Il n'y avait pas un monde incroyable, mais il y avait suffisamment de clients pour me dire que je serai payé ce mois ci. Ben oui, le monde de la restauration est cruel.
Mais pour le patron, la question n'était pas comment il allait me payer, mais pourquoi. Je pense que l'argument principal serait la dette qu'il a envers moi depuis que j'ai foutu en tôle le mec qui l'a fait veuf lorsque j'était inspecteur. Mais, le contre argument, bien que pesant moins, était plutôt logique: je ne faisais rien du tout, là tout de suite. J'le sens, il me regarde. Mais bon, c'est un bon pote, et en plus je reste sur le qui-vive, assis autour de la table qui est à côté du piano, au cas où un client voudrait que je joue. Je suis en train de savourer un bon borsch, avec à mon habitude de la volaille bien nerveuse, quoi que ramollie par la cuisson.
A côté de moi, il y a un des quatres petits bouchons qui rythment ma vie quotidienne. Les autres sont à la maison, mais Ami à l'habitude de venir avec moi au boulot. Elle mange aussi son assiette, gardant aux lèvres son sourire, et au visage son air de dire:

" Papa, j'peux avoir de l'argent de poooooche? "

Elle est vraiment trop mignonne, comme les quatre autres d'ailleurs. Elles sont divines, je ne peux pas lutter. Alors je pose mes couverts et je met ma main dans la poche de mon haut de jogging, ayant l'air de fouiller, puis en sortant absolument rien, mais en tendant la main à ma petite chérie, comme si je lui donnais un ou deux billets.

" Tiens ma chérie, ca c'est de l'argent magique, il est invisible. Mais on peut acheter que des trucs invisibles. "

Elle a pas l'air d'apprécier ce petit numéro, alors je me remet à manger comme si de rien était. Malgré tout, je sais qu'elle me regarde fixement d'une tête de trois mètres de large. Elle me boude, et j'trouve ca trop mignon, mais elle le prend plutôt mal.

Avide de gastronomie, et donc désireux de "tester" absolument tous les restaurants de la ville, Gennaro Titifozi se tenait à la table d'à côté et préféra regarder la scène se déroulant entre le pianiste et sa fille plutot que cette assiette de "nourriture" qui ne l'inspirait guère.

¤ j'aurais dû m'en douter, un resto russe quelle idée, je me demande qu'en même, pour quoi ils payent leur pianiste??? Le gars il mange à l'oeuil et y joue pas trois notes?? ¤

Ne souhaitant pas sentir les fétides éfluves de son repas plus longtemps, le mafieu se leva et s'approcha de la table du musicien. Une fois en face de ce dernier il parla ainsi :

Buongiorno, pourriez vous s'il vous plait me jouer "la lettera per elisa" s'il vous plait? Si je trouve que l'interprétation est satisfaisante je vous promet le plus gors pour-boire de votre vie. Siamo d'accordi?

Il regarda l'homme négligé et sa fille, plus soigné que lui bien qu'étant vétue d'une tenue.... étrange. La décoration elle était digne d'un restaurant russe, rouge, froide, au arrières gouts de kalachnikov et de molotov. Russe quoi ! La salle était cependant assez impréssionante et l'italien réalisait à peine que sa table, bien que dos au mur était au milieu des autres, logique elle est à coté du piano. Mais revenons à notre pianiste. Il tentait de se rappeler ce qu'était la lettre à elise, peut-être du chopin? Où avait-il rangé la partition? Toujours est-il que perdu dans ses pensées il essayait désespérément de regarder l'intérieur de ses paupières en gardant les yeux ouverts. Mais le don l'interrompit

Charmante fille que vous avez là. Quelle age a-t-elle?

" Mmmh? "

Alors que je savourais l'harmonie qui nous liait ma petite chérie et moi en même temps que mon assiette, un homme vint me voir. Costume estimé à près de deux mille euros, cheveux noir de jais, teint mat et traits marqués, il ne fallait pas bien de temps pour que je me rende compte de qui j'avais affaire. Ce teint mat me faisait penser aux siciliens que j'avais rencontré lorsque j'étais en service. A y repenser, je suis même déjà aller donner un coup de main à la police du coin qui, si elle n'est pas corrompue, manque affreusement de compétence. Qu'ils n'aillent pas se plaindre de la situation, ils tendent la perche pour se faire frapper. Bref, revenons à notre client. C'était sûr, il était italien, il parlait un fritalien bien prononcé. Vu le prix du textile en ce moment, le fait de porter un tel costume ne voulait signifier qu'une appartenance à la Cosa Nostra. Mais peut être étais-je influencé par le fait que je porte les mêmes vêtements rapiécés depuis bien sept ans. Un test s'impose, c'est peut être un gros bonnet.

" La lettera... Hmmmm.... "

C'était quoi ca déjà? Je hais l'italien, ca va pas arranger les choses. Tentant une traduction maladroite, il doit s'agir d'une pièce intitulée, la lettre à élise. Franchement, même en français, ca me dit rien. Mais je fouille dans ce coin poussiéreux qu'est ma mémoire pour trouver plus amples infos, sans succès.
Voilà qu'il se met à parler pourboire! Ca a beau être surement un mafieux à 99%, il n'a pas la main à la poche. Mais être mafieux n'est pas synonyme d'être radin, au contraire, beaucoup de parrains sont grands seigneurs. Je me rappelle soudain de ce Don Tancredi qui m'avait proposé une rondelette somme si je me mettais à ses ordres, et deux jours plus tard si je détruisais les preuves qui l'enverraient à la case prison.

" C'est parti pour une Lettre à Elise, monsieur...? "

Peut être qu'en entendant son nom à nouveau, je le reconnaîtrai. Pendant ce temps là, je me mets à fouiller dans la cahier de partitions une feuille portant le titre "Lettre à Elise". Il la trouva dans le répertoire d'un virtuose bien connu.

" Du Beethoven, monsieur à du goût. "

Alors que je m'affaire à commencer ma petite séquence "fais-croire-que-tu-sais-jouer", le Don potentiel commence à ma parler de ma petite chérie, Ami. Être jeune a toujours rendu une fille mignonne, va savoir pourquoi. Moi quand j'avais 15 ans on me toruvait pas mignon, mais bon, j'étais déjà un homme moi à cet âge, fier comme pas permis de ce petit rassemblement de poils, annonciateurs d'une légion complète, qui faisaient un bouc.

" Elle a 15 ans, cmme les trois autres. D'ailleurs vous seriez très sympathique si vous m'achetiez des photos de mes petites chéries. C'est 5€ l'unité, et pour deux achetées vous avez un poster 30x15 de groupe. "

Ouais, je vendais mes filles. Certains trouveraient ca malsain, mais moi pas du tout. J'avais quatre perles à la maison, et ma bonté légendaire ne me permettait pas des les garder pour moi. Et puis, dans cette situation précise, un petit relevé d'empreintes ne ferait pas de mal.

Le mafieu écouta calmement le pianiste détruire ce qui semble être la plus belle mélodie classique au monde, l'une des plus connue également. C'était un attentat contre la musique, Beethov dévait faire des bon dans sa tombe, du moins se que les vers en ont laisser, enfin bref toujours est-il que le mafieu suporta ce simulacre de musique jusqu'au bout sans craquer. Puis il dit au pianiste

C'était une version très..........personel de l'oeuvre de Beethoven mais je trouve vos talent d'improvisation tout à fait particulier.

Pour le mafieu, particulier voulait dire horrible mais il se garda de le dire.

votre pourboire monsieur

il tira au petit bonheur la chance quelque billets de sa liasse de 20 et le musicien se retrouva ainsi avec 120€ de pourboire. Puis il sortit à nouveau un billet de 20€ et le tendit au pianiste en disant

une photo de chacun de vos anges s'il vous plait.

Dans les méandres de son esprit sinueux le Don se dit que si un jour il avait des problèmes avec cet homme il aurait déjà les photos des personnes à enlever. Puis il se rappela la phrase incompléte du mélomane lorsqu'il avait commencé à jouer.

Gennaro, je m'appelle Gennaro Titifozi.

En jouant cette mondialement célèbre mélodie, je ressentais que ma musique n'était pas sens effets pour le client. En effet, j'avais beau être dos à lui, le faux pianiste que je suis voyais et sentais toute la crispation et la patience mise à bout de ce mafieux potentiel. D'un côté, il ne fallait pas s'attendre à des miracles de la part d'un petit pianiste de restaurant, surtout lorsqu'il ne sait pas jouer. Mais bon, sa patience mise à rude épreuve, ce client ne prit pas son temps pour en finir.

" Je vous remercie de ce compliment. "

Voilà, j'étais pas déçu, loin de là, mais ce sont ces mots hypocrites que je déteste qui sont sortis de la bouche du client. Personnel, particulier, telles ont été ses paroles. En tout cas, le message était passé, et cet homme semblait ne pas apprécier la cuisine russe au même titre que mes doigts plutôt rudes frappant les notes de ce pauvre piano. Alors, je le vis donner mon pourboire, et tout cela confirma mes doutes. Cet homme était bien un mafieux, car seul un mafieux payerait un pianiste médiocre avec une liasse de billets. Ça m'arrangeait plutôt, puisqu'en plus il me tendit un billet de vingt euros pour quatre photos de mes chéries. Etait-ce pour ne pas rester sur une fausse note? Toujours fut-il que désormais, j'avais ses empreintes, son nom et j'allais bientôt avoir son ADN en prenant sa fourchette ou son verre, on verra. Je mis alors à mon tour une main dans ma poche pour en sortir quatre photos et deux posters, comme promis.

" Tenez, voici quatre photos et deux posters. Franchement, vous pouvez montrer ces photos à tout le monde. Ne sont-elles pas magnifiques mes petits bouchons?"


Dis-je en ayant un air complètement gaga. Cet homme était sans doute un important mafieux, mais qu'importe, il pourrait bien causer du tort à mes filles que j'aurais de quoi le coffrer pour au moins un meurtre.